Rencontre à Marseille avec Olympe

“Olympe est quelqu’un dont on se souvient” souligne John, proche collaborateur d’Olympe Zographos, architecte à Marseille. Comme un soleil, Olympe illumine chaque coin de rue et moment de vie avec lesquels elle interagit. Que ce soit par son écoute et accueil de l’autre dans toute sa singularité ou son enthousiasme et joie de vivre, elle a réussi à faire de Marseille et ses alentours son terrain de jeu pour créer, transformer, sublimer. Elle est à l’origine de la toute nouvelle boutique Vanessa Bruno, rue Francis Davso à Marseille.

Olympe est née en Guadeloupe et arrive à Marseille à tout juste 6 mois. C’est sa “grand-mère provençale” qui va l’élever et lui inspirer la réalisation possible de tous ses rêves ! Un peu garçon manqué, avide de sports de glisse et mère de deux garçons, elle excelle dans les milieux d’hommes et jongle avec passion sur tous les chantiers.

L'ARCHITECTURE

J’ai toujours été créative. Je dessine depuis toute petite. J’ai été élevée par ma grand-mère à Marseille et on partageait toutes les deux des moments très créatifs. J’ai toujours été animée par ça. Pourtant je me suis orientée vers des études complètement différentes. J’ai commencé par des études de psychologie au Canada, en programme Erasmus. Je faisais des recherches sur les représentations sociales du luxe et sur l’art clinique. J’étais très intéressée par l’aspect social des choses et l’art. Ma colocataire, qui elle, était en école de design, m’a un jour présenté le directeur de son école et tout d’un coup, ça m’a semblé comme une évidence, ma voie était dans la création. Ma grand-mère m’encourageait vivement à suivre cette passion et je me suis inscrite à l’Université du Québec à Montréal en spécialité design. Même si je recommençais à zéro, j’ai tout de suite senti que j’étais à ma place, je me suis épanouie complètement.

Quand je suis rentrée en France, ça a été un peu plus compliqué parce que les études de design à l’étranger ne sont pas forcément reconnues. La logique est différente en France, avec une vraie séparation entre la partie architecture et art appliqué. J’ai réussi à passer des équivalences et j’ai travaillé dans une agence d'architecture, pendant dix ans, pour des promotions immobilières. J’ai appris à gérer des projets d’envergure, avec certaines pressions, certains enjeux, certains délais. Progressivement j’ai commencé à faire mes petits projets de mon côté et j’ai finalement monté ma structure personnelle. Je me suis sentie bien entourée et j’ai pu saisir les moments pour vraiment faire ce qui me plaisait. Ce qui a démarré par de l’architecture d’intérieur pour le commerce exclusivement a progressivement évolué en architecture d’intérieur pour les particuliers et villas individuelles. Ce sont vraiment deux méthodologies de travail différentes, avec une chronologie beaucoup plus courte et définie s’agissant des commerces et au contraire plus longue et spontanée s’agissant des particuliers.

LA BOUTIQUE VANESSA BRUNO

Vanessa Bruno a une élégance folle, une simplicité dans le beau sens du terme, une simplicité juste. Elle a aussi une sorte d’énergie, une puissance qui m’a beaucoup inspirée. C’est une femme bienveillante avec un regard attentif aux autres et une personnalité qui va de l’avant, sait faire bouger les choses et réaliser ses rêves. Vanessa est bel et bien la femme Vanessa Bruno.

Pour mettre en scène la marque et son univers lifestyle, j’ai voulu jouer sur la matière dans un espace aux volumes épurés et minéraux. Tout en finesse, les pointes de chêne fumé et les découpes de travertin confèrent à ce lieu une élégance intemporelle. Les fibres textiles telles que le lin inspirent, quant à elles, la douceur et la légèreté. Enduit minéral, travertin, chêne fumé, béton coulé, jonc de mer, lin lavé, acier thermolaqué blanc, tissu bouclé, ici, c'est le travail de la matière et des artisans locaux, avec qui je travaille depuis des années, qui est mis en avant.
L’un des endroits phares de la boutique est cet espace de verdure près des cabines d’essayage. Vanessa avait la volonté de créer une ambiance intime et enveloppante où les clientes pourraient se sentir libres d'essayer leur nouvelle garde-robe. Ce travail d'assise avec jardinière intégrée - accolé à l'espace cabines - invite donc à prendre le temps qu'il faut. C'est un moment pour soi où l'on peut flâner comme dans son propre dressing.

La grande partie de mon travail en architecture d'intérieur est de traduire l’univers de professionnels et de leur donner une identité, une identité parfois très forte, avec un esprit d’excellence et c’est ça qui me plait. Du petit commerce à Marseille aux projets d’hôtellerie et spa en Corse, ou ailleurs dans la région, le vrai enjeu est de réussir à créer une identité, à traduire en espace l’esprit d’un lieu, le rendre juste et merveilleux. Je développe aussi en parallèle quelques projets plus “prestige’’ avec la possibilité d’être encore plus libre dans ma création. J’ai aussi un projet signature en cours et qui me tient beaucoup à cœur. C’est l’occasion pour moi de pouvoir mettre en lumière les autres et de pouvoir m’exprimer de façon plus expérimentale, d 'ouvrir de nouvelles portes pour éviter la routine, éviter de répéter. Je me sens libre, j’ai l’impression de ne pas avoir de limite, tout me stimule, que ce soient des projets avec une contrainte ou un besoin très concret, à un projet beaucoup plus conséquent comme les projets hôteliers.

"JE NE SUIS PAS VRAIMENT LES TENDANCES DE LA MODE. J'AI JUSTE ENVIE DE JOUER OU SIMPLEMENT DE ME SENTIR BIEN"

MARSEILLE

Marseille est indéniablement une ville contrastée, à tous les niveaux. À chaque fois que je crée des espaces, des objets, ou des concepts, je m'amuse avec la dualité des matières. J'aime quand c'est à la fois brut et raffiné. C'est d'ailleurs comme ça que je définirais mon style.

Marseille est une ville bouillonnante, folle et rebelle ! C’est une ville libre, créative. Comme c’est un port et qu’elle est ouverte sur la mer, Marseille offre un brassage culturel vraiment unique. C’est une ville presque insolente avec une lumière incroyable. À Marseille, on est très chauvin, on aime notre ville. J’aime ma ville ! En tant que femme, on se sent protégée, il y a une place importante pour les femmes et les enfants. Ici, tu rencontres des personnes complètement improbables et c 'est ce qui me plaît. Je me sens bien ici parce que je peux naviguer de quartier en quartier, d’univers en univers.

Je vis dans le 7e arrondissement et je me régale de tous ces endroits que je continue de découvrir ou ces routes dont je ne me lasse jamais, comme cette rue de la Vierge de la Grande Vue (je pense qu’il y a une erreur ici mais je ne sais pas quelle est la rue en question) que je prends chaque matin pour emmener mes enfants à l’école et éviter les bouchons ! À Marseille on garde toujours un maillot de bain avec soi et à la moindre occasion on plonge dans les bienfaits de la mer.

LA LIBERTÉ

La chose la plus difficile c'est de réussir à être soi-même et d'être aligné avec qui tu es. La liberté a été ancrée en moi dès le départ parce que je suis une femme noire, dans un univers masculin, dans le sud de la France et je suis indépendante ! Ça fait beaucoup de choses cumulées ! Et en même temps, plus qu’une attitude de combat, c’est la posture de s’élever qui m’a toujours fait avancer. Être libre c’est savoir s’élever aussi bien dans sa posture que spirituellement ou en termes de vision et d'angles de vue.
C’est ce que j’essaye d’apprendre à mes deux enfants : réussir à être eux-mêmes, ancrés et à ne pas se donner de limites. L’important c’est d’être tolérant envers les autres, pour pouvoir réussir ensuite à s'exprimer en pensant au-delà des cases, parce que c'est souvent ça la vraie problématique. Notre cerveau a besoin d’organiser et de mettre dans des cases, c’est comme ça qu’on fonctionne pour appréhender le monde et comprendre. Mais parfois c’est important de ne pas se limiter à une case. C’est comme ça que tu comprends la valeur de nos différences et l’importance de la tolérance envers les autres et envers soi-même. Ces valeurs sont très profondes pour moi et à la base de toute mon éducation et de la transmission que j’ai reçue de ma grand-mère et des femmes fortes de ma famille.

Même si tu peux te sentir jugée, accablée, ce sentiment de liberté est une sorte d'énergie vitale, une posture qui en fait, te redresse en te poussant à prendre de la hauteur, à te diriger vers un autre angle de vue. C’est quelque chose de dynamique. Tu montres aux autres que tu es au-dessus de ces jugements par exemple, et là tu peux devenir un modèle. Tout sujet est un petit terrain de jeu, un espace propice à l'expérimentation, au-delà des codes.

L’épanouissement personnel passe effectivement par beaucoup de travail, de sacrifices, d’efforts et de contraintes. Pourtant c’est en battant ton chemin et en te dépassant que se développe la concrétisation de tes vraies compétences. C’est là que tu découvres les forces que tu as en toi, ton énergie vitale. L’important c’est d’avoir un chemin dans lequel tu te sens aligné. C’est tellement important de se réaliser et ça peut être sur des choses très simples comme un moment de transmission, quelque chose que tu as pu apprendre et que tu vas transmettre ou donner. Ce que je recherche finalement dans la création d’un espace, c’est de rendre service à une personne, de créer de la joie tout simplement. Dans tout travail créatif, il y a une recherche de plaisir, comme si tu redevenais un enfant, à la recherche de l’émerveillement. Je me réalise comme ça. Chaque création est pour moi comme un enfant que tu mets au monde et que tu vois évoluer et voler de ses propres ailes.

LE BIEN-ÊTRE

Le bien être pour moi, ce sont les moments d’intimité vrais, avec mes amis proches par exemple, ces moments privilégiés, simples et justes. C’est ça qui me nourrit, à la fois la recherche du beau, de l’excellence et les choses simples et vraies comme de profiter d’un instant et d’être complètement présente, sans téléphone. C’est très important pour moi.
De façon plus concrète, je me régale de ces moments de bien-être chez la thérapeute Eva Choukri entre deux rendez-vous.

"J'AIME QUAND C'EST À LA FOIS BRUT ET RAFFINÉ. C'EST COMME ÇA QUE JE DÉFINIRAIS MON STYLE"